François BOUCHER (Paris, 1703-1770)

Jeune femme tenant une partition

Pierre noire et rehauts de craie blanche sur papier chamois filigrané
34,5 x 28,5 cm

Provenance :
• Cabinet de Bayser, Salon du dessin, 2013
• France, collection particulière

Bibliographie :
• Alexandre Ananoff, L’œuvre dessinée de François Boucher, catalogue raisonné Tome I, F. de Nobele, Paris, 1970, cat. 360, fig. 71, p. 110
• Alexandre Ananoff, Boucher, Lausanne Paris : la Bibliothèque des arts, 1976
• Pierrette Jean Richard, L’œuvre gravé de François Boucher dans la Collection Edmond de Rothschild, Paris, 1978
• Pierre Rosenberg et Alastair Laing, Boucher, catalogue d’exposition, New York, The Metropolitan Museum of Art (1986), Detroit, The Detroit Institute of Arts (1986), Paris, Galeries nationales du Grand Palais (1987), Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1986
• Françoise Joulie, François Boucher : hier et aujourd’hui, catalogue d’exposition, Paris, musée du Louvre, 17 octobre 2003 – 19 janvier 2004, Paris, Réunion des musées nationaux, 2003

François Boucher débute son apprentissage auprès de son père Nicolas Boucher (1671-1743), maître peintre et dessinateur de l’Académie de Saint-Luc. À 18 ans, il rejoint l’atelier du célèbre François Lemoyne (1688-1737) grâce auquel l’artiste lance véritablement sa carrière. Après un passage en Italie logé à l’Académie de France où il étudie d’après l’antique, il rentre à Paris et rejoint en 1734 l’Académie royale en tant que peintre d’histoire.
Très apprécié de son vivant, d’une évolution extrêmement rapide, l’artiste reçut tous les honneurs qu’un peintre de sa génération pouvait espérer. Sa carrière brillante sera récompensée par de nombreux titres dont celui de professeur, directeur de l’Académie royale et premier peintre du roi. Jusque dans les années 1760, l’artiste répond à quelques centaines de commandes de ses prestigieux mécènes dont la marquise de Pompadour et le duc de Chevreuse, ainsi qu’aux manufactures royales de Beauvais et des Gobelins, et enseigne avec enthousiasme sa manière à son atelier.

Dans les années 1765, il produit des portraits de femmes dont les visages sont empreints d’une élégance nouvelle, probablement suite à l’initiative de Caylus, directeur de l’Académie, qui instaure à partir de 1759 un concours de têtes d’expression . Ce renouvellement est notamment reconnaissable chez Boucher par la largeur des fronts des modèles et à leurs grands yeux allongés sur les tempes sous des sourcils parfaitement arqués dont l’esquisse Jeune fille en buste (ill. 1) est un merveilleux exemple.
Privilégiant de séduire l’œil avant l’esprit, Boucher insuffle une douceur et une sensualité remarquable à cette image. Une gracieuse jeune femme à mi-corps vue de face s’accoude sur ce qui semble être le dossier d’un fauteuil sur lequel sont disposées des partitions. Elle ne semble pas interrompue par l’intervention du peintre. Comme perdue dans ses pensées, elle tourne délicatement le regard vers la gauche : un instant capturé du quotidien d’une probable musicienne dans son intérieur.

Le travail mené sur le rendu de l’expression du visage et de la finesse des traits laisse penser que l’artiste croqua son modèle sous ses yeux. Une certaine poésie émane de ce juvénile visage rehaussé par une chevelure tressée retenue par quelques fleurs de laquelle s’échappent des boucles soigneusement ordonnées. Notre dessin témoigne également de l’intérêt de l’artiste pour le rendu des détails et des textures de la mousseline de la robe d’intérieur aux nœuds des manches jusqu’à leur extrémité de dentelle. Les plis de l’étoffe ainsi que le drapé tombant derrière la figure sont traités nerveusement par quelques traits de pierre noire plus ou moins accentués, tantôt ondulés tantôt géométrisés.

Cette image fut divulguée au cours du XVIIIe siècle par la gravure de Gilles Demarteau (1722-1776) (ill. 2), graveur liégeois établi à Paris depuis le milieu du siècle. Demarteau se fait connaître pour ses gravures d’après les œuvres de Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) et Carle van Loo (1705-1765) entre autres, et avant tout d’après celles de François Boucher dont il devient l’ami.

Sur une feuille de format restreint, Boucher accorde une attention particulière aux moindres détails à travers une rigueur et une qualité d’exécution qui en font une étude très aboutie. La couleur est apportée par l’utilisation de la craie blanche permettant de rendre les textures. Son éclatante maîtrise de la lumière met en exergue la grâce et la douceur du modelé du visage traité tout en rondeur de la coiffure au menton, et illustre d’autre part la luxueuse soierie de la robe qui semble refléter la lumière. Jouant de la réserve du papier chamois, le modèle baigne dans une atmosphère empreinte de douceur et de légèreté.

Incontestable représentant du portrait peint français du XVIIIe siècle, François Boucher fut aussi un excellent dessinateur et pastelliste. Il sut gagner l’admiration de ses confrères et de ses prestigieux commanditaires collectionneurs avides de ses figures féminines qu’il place au premier plan de ses œuvres.

M.O

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