Georges SEURAT (1859 - 1891)

"Jeune fille cousant"

Pierre noire. Au verso, porte le paraphe de Signac à la sanguine, une annotation Seurat et un n°49 de l’inventaire après décès

Georges-Pierre Seurat naît le 2 décembre 1859 à Paris, dans un milieu bourgeois.. En 1877, il s’inscrit aux Beaux-arts. Ses études sont interrompues par son service militaire qu’il effectue à Brest, où il réalise de nombreuses esquisses de bateaux, de plages et de mer. En 1882, Georges Seurat se consacre à la maîtrise du noir et blanc et commence à peindre réellement. Il achève, en 1884, Une baignade à Asnières, le premier des sept grands tableaux qu’il va peindre dans sa courte vie. Il participe à la formation de la Société des artistes indépendants, sans jury ni récompenses, et prend la tête du néo-impressionnisme, qui réunit entre autres Paul Signac et Henri-Edmond Cross.

Seurat commence par s’inspirer de Millet, Manet, Monet, Renoir, Pissarro et sera très influencé par Rembrandt, Francisco Goya et Puvis de Chavannes, et Ingres enfin, de qui son professeur, Henri Lehmann avait été un disciple.
L’été 1890, le peintre réside à Gravelines, où il exécute quatre toiles de marines ainsi que quelques dessins et "croquetons", petits panneaux de bois peints qu’il avait ainsi baptisés. À son retour à Paris, il met en projet son tableau Le Cirque qu’il montre inachevé au huitième Salon des Indépendants.

Il meurt subitement, pendant l’exposition, à l’âge de 32 ans, d’une fièvre maligne.

En quelques mots, Seurat a incarné une nouvelle génération de peintres qui annonçait la désintégration de l’idéal impressionniste et l’avènement de conceptions nouvelles. Esprit libre, artiste solitaire et peintre cérébral, Seurat aura profondément marqué l’histoire de l’art malgré sa très brève période d’activité. D’abord en retrait vis à vis du courant impressionniste, il mit finalement en perspective les acquis de ce nouveau courant pictural, notamment la remise en cause du rôle de la touche et de la couleur. Ces nouveaux concepts artistiques feront de Seurat l’inventeur du pointillisme ou divisionnisme : des touches de couleur pure se fondues dans le regard du spectateur. L’œuvre devient un tout : une harmonie entre le geste du peintre, la surface de la toile, la couleur choisie et l’œil du spectateur qui, face aux stimuli lumineux, restitue l’image crée par l’artiste.

Comme dessinateur, Seurat apprend très vite à isoler un petit fragment de vie quotidienne pour le simplifier. Dans les dessins de Seurat, la ligne joue un rôle annexe, c’est le blanc du papier qui apporte la lumière au sujet, perçant entre les coups de crayons, entre l’ombre étirée sur le papier.
Notre jeune fille cousant est presque un personnage « classique » de Seurat, qui a très tôt adopté dans son œuvre la répétition d’éléments formels identiques. En effet, à l’époque de notre dessin, Seurat a déjà réalisé plusieurs dizaines des dessins d’homme et de femmes des rues de Paris, des faubourgs ou de la campagne. La couturière est donc une figure fréquemment reprise dans les carnets de Seurat.
Ici le dessin semble avoir été exécuté rapidement, au coup de poignet : de longues horizontales grisées et serrées matérialisent le fond sur lequel la figure de la couturière se découpe, entre lignes anguleuse, tracés plus ou moins sombres et hachures en diagonale. Les formes sont rendues plus ou moins présentes suivant l’intensité de matière : les épaules, la chevelure de la femme et les plis du tissu sont plus appuyés, par des zones de crayonné plus insistant, de parallèles plus épaisses et plus resserrées, des contours plus nerveux.
Grâce à sa maîtrise parfaite des valeurs, les « noir et blanc » de Seurat sont lumineux.

Notre dessin à la pierre noire figure dans le catalogue raisonné de C.M. De Hauke, Seurat et son œuvre, volume II au numéro 392. Il peut être rapproché d’une autre feuille de Seurat, réalisée au fusain sur papier chamois, en 1881-1882 : la Couseuse, motif similaire d’une femme penchée sur ses travaux d’aiguille, mentionnée dans le même ouvrage, au numéro 446.

« Les dessins de Seurat, comme ceux de Rembrandt ou de Daumier, le contiennent tout entier. Ils nous obligent au silence, à une admiration presque religieuse. Après cela, les agréments de la couleur semblent presque secondaires. Rien n’est plus émouvant que de voir à nu les grands hommes à travers leurs dessins. Là, vraiment, ils font tout avec rien ; aucun intermédiaire, aucun complice : ils sont seuls. Chez Seurat, si préoccupé de contrastes – au sens optique du mot – que de contrastes ! ».
Claude Roger-Marx

Bibliographie :
–Seurat, cat. d’exposition aux Galeries Nationales du Grand Palais, 9 avril – 12 août 1991, Ed RMN.
–J.REWALD, Seurat, Ed. Flammarion, Paris, 1990.
–F.CACHIN, Seurat – Le rêve de l’art-science, Françoise Cachin, Ed. Gallimard, Paris, 1991.
–C.M DE HAUKE, Seurat et son œuvre, 1961

Provenance :
- Emile Seurat, frère de l’artiste (Paris)
- Vente anonyme, Hôtel Drouot, Paris, 30 novembre 1942, lot 51, acquis par de Knyff
- Vente anonyme, Hôtel Drouot, Paris, 5 mars 1945, mot 32
- Vente anonyme, Hôtel Drouot, Paris, 19 novembre 1948, lot 41
- Mme Camille Platteel
- M. et Mme Jacques Koerfer, Suisse
- Collection particulière, France

Exposition :
Paris, la revue Blanche, Seurat, Mars avril 1900
Paris, Galerie Bernheim-jeune, Rétrospective Georges Seurat, Décembre 1908 janvier 1909, n142B
Paris, Galerie Bernheim-jeune, Georges Seurat, Paris, Galerie Novembre Décembre 1926 n°26b

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