Auguste-Alexandre GUILLAUMOT (Paris, 1815 - Marly-le-Roi, 1892)

L’Abreuvoir de Marly-le-Roi, vers 1857 et Vue du Pavillon Royal de Marly en 1710, vers 1875

44,8 x 61,5 cm (L’Abreuvoir) et 45 x 61,8 cm (Le Pavillon royal)

Aquarelle et gouache sur trait de crayon et de sanguine. Encadrements au crayon. Essais de couleurs et inscriptions sur les marges. Signé A. GUILLAUMOT en bas à droite à la gouache rouge. Papier filigrané J. WHATMAN TURKEY MILL sans date.
La Vue du Pavillon Royal de Marly possède des annotations autographes sur les marges qui correspondent aux bâtiments et pièces d’eau entourant le Pavillon Royal : La belle font. / Pièce des Vents / château angle / Bassins des carpes / Salle Verte [à gauche], Marly le Roy [en haut] 1710 [en bas] Bâtiment de la perspective / Marches du château [à droite] / blanc jaune / 1710 [en bas]
Cartels en laiton datant de la fin du XIXe siècle portant le nom de l’artiste et la date de 1860 pour L’Abreuvoir et celle de 1710 pour le Pavillon Royal.

Provenance
• Collection de l’artiste, Marly-le-Roi
• France, collection particulière

"Il était fidèle aux traditions léguées par ses devanciers des dix-septième et dix-huitième siècles, et, ayant hérité du tempérament des Israël Sylvestre, des Perelle et des Rigaud, il en avait le talent spirituel et primesautier. Dessinateur habile et aquarelliste plein de verve, il savait communiquer à son burin la chaleur et la couleur de son crayon et son pinceau."
Eugène-Louis Viollet-le-Duc, Vente suite au décès de M. Aug. Guillaumot père, peintre et graveur : aquarelles, dessins et eaux-fortes. Reconstitution du château et du parc de Marly et dessins divers, provenant de son atelier, vente Paris, 10 mai 1892, p. 4.

Présentés depuis la fin du XIXe siècle et jusqu’à tout récemment dans un cadre commun de bois noir, nos deux dessins sont des témoins précieux et exceptionnels de l’attachement particulier du dessinateur d’architecture Auguste-Alexandre Guillaumot au château royal disparu de Marly. Tandis que l’Abreuvoir pris sur nature en 1857 marque le premier contact de l’artiste avec les vestiges de la demeure démolie un demi-siècle auparavant, la Vue du château de Marly en 1710 réalisée vers 1875 couronne presque vingt ans de recherches et de fouilles passionnées en parvenant à rendre vie à la résidence favorite de Louis XIV.

Formé par le graveur Augustin-François Lemaître (1797-1870), Auguste-Alexandre Guillaumot exposa au Salon entre 1842 et 1891 dans la catégorie « gravure », mais également « peinture », « dessin » et surtout « dessin ou gravure d’architecture ». Dès 1845, il reçut sa première distinction, une médaille de 3e classe, pour Phalante et Æthra d’après le bas-relief de Grégoire Giraud. Les œuvres d’une grande précision et d’une parfaite technicité de Guillaumot rendaient merveilleusement bien les monuments et leurs décors sculptés, et il se fit rapidement un nom dans l’illustration des ouvrages d’art comme la Monographie de la cathédrale de Chartres (A.-N. Didron, E. E. Amaury-Duval et J.-B. Lassus, Paris, 1842-1856) ou les Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, vaste collection dirigée par Isidore Taylor .
Pour ce dernier ouvrage, l’artiste collabora avec Eugène Viollet-le-Duc et depuis, une solide amitié liait les deux hommes. Guillaumot fut ainsi l’un des principaux graveurs du Dictionnaire raisonné de l’architecture française de Viollet-le-Duc publié à partir de 1854, puis prit une part active à l’Encyclopédie d’architecture. L’influence de l’illustre architecte et restaurateur fut déterminante dans la carrière de Guillaumot, au point que, n’ayant qu’un an de moins, il n’hésitait pas à se dire l’élève de Viollet-le-Duc lorsqu’il présentait au Salon ses dessins d’architecture et restitutions de monuments.
C’est également pour la collection dirigée par Viollet-le-Duc, Promenades artistiques dans Paris et ses environs, que Guillaumot grava l’abreuvoir de Marly-le-Roi en ruine. Présentée au Salon de 1857 (no 3449), l’estampe annonçait l’étude sur le château de Marly préparée par l’artiste qui s’était épris du site à l’abandon. Paru la même année, le premier fascicule des Promenades – malheureusement suivi d’aucun autre – atteste de l’importance des recherches déjà entreprises par Guillaumot : il observa et dessina les vestiges du parc, copia les documents d’archives et réalisa ses premières restitutions, dont un plan à vol d’oiseau de la résidence la plus originale de Louis XIV . Le projet d’une monographie se concrétisa en 1865 avec la sortie d’un in-folio magistral richement illustré . Pour autant, l’artiste ne cessa guère ses investigations, s’installant même à Marly-le-Roi. Les œuvres qu’il présentait au Salon à partir de 1857 concernaient presque exclusivement le château de Marly, tout comme la grande majorité d’aquarelles, dessins et croquis dispersés lors de sa vente posthume en 1892.

Nos deux aquarelles n’apparaissent pas dans le catalogue de vente, vraisemblablement achetées par un amateur du vivant de Guillaumot, ce qui expliquerait l’année 1860 portée sur le cartel de L’Abreuvoir alors même que l’œuvre n’est pas datée. Il s’agit d’un dessin d’après nature, réalisé à main levée à la sanguine, puis retravaillé dans l’atelier au crayon et à l’aquarelle, avec une attention particulière portée aux verticales et à la perspective. Nul doute que cette feuille servit de modèle à l’estampe exposée en 1857 qui en reprend très exactement les moindres détails, exception faite de quelques modifications minimes : la partie gauche rognée, personnages présents autour du bassin, rendu plus minutieux. De fait, de tous les croquis et relevés réalisés par l’artiste lors de ses premières excursions à Marly, L’Abreuvoir méritait plus que tout autre les honneurs du Salon puisqu’il montrait la seule réalisation de Jules Hardouin-Mansart qui échappa à la démolition du château bien que privée des célèbres Chevaux de Coustou, conservés au Louvre.

Le second dessin, représente a contrario l’aboutissement de plusieurs années de recherches méticuleuses dans les archives, de relevés, de fouilles et de réflexions. Il paraît contemporain de l’aquarelle intitulée L’Abreuvoir en 1700 datée de 1876 et exposée au Salon de 1878 (collection particulière, 57,5 x 97 cm). Plus ambitieuse, notre œuvre offre un point de vue inédit sur le pavillon royal et s’emploie à restituer les bâtiments dont seules quelques fondations subsistent, mais également les décors sculptés, les grilles, les bosquets, les pavillons et la statuaire du parc. Le dessinateur se donna une date de 1710, soit la fin du règne de Louis XIV, afin de présenter les bassins des Carpes réalisés à partir de cette date d’après une idée de Pierre Lepautre et recouverts de carreaux de faïence dont Guillaumot avait découvert l’ornement lors de ses propres fouilles dans les années 1860-1870. La perspective est construite à la sanguine, mais surtout au crayon. L’ensemble est ensuite travaillé à l’aquarelle et à la gouache qui rehausse les dorures, les marbres et les jets d’eau. L’artiste s’amuse à peupler les lieux de courtisans vêtus avec grande exactitude – en 1875, Guillaumot publia un recueil de Costumes au XVIIIe Siècle – et marque la présence du vieux souverain par sa chaise roulante entourée de gardes.
En dépit de quelques erreurs (le dessinateur s’attache ainsi à rendre l’épaisseur des pilastres de marbre rose sur la façade du Pavillon royal, alors que les recherches récentes ont prouvé qu’ils ne dépassaient pas du mur), la reconstitution de Guillaumot est pleine de vie, ce qui la distingue des gravures d’époque ou des dessins des historiens d’architecture. Grâce à son talent de dessinateur et à son indéniable sensibilité artistique, le château disparu renaît dans toute sa splendeur baigné de rayons de soleil couchant qui projettent les ombres des arbres sur la terre des allées.

Nous remercions M. Bruno Bentz d’avoir très gentiment confirmé la datation de nos œuvres.

Bibliographie générale (œuvres inédites)
Bruno BENTZ, « Auguste Guillaumot et la redécouverte du château de Marly », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles, mis en ligne le 16 octobre 2015, http://crcv/revues.org/13275.
Géraldine CHOPIN, « Enrichissement des collections du Musée-Promenade. Un ensemble de dessins d’Auguste-Alexandre Guillaumot », Marly, art et patrimoine, 9, 2015, p. 66-68.
Auguste-Alexandre GUILLAUMOT, Château de Marly-le-Roi, construit en 1676, détruit en 1798, dessiné et gravé d’après les documents puisés à la bibliothèque impériale et aux archives, Paris, A. Morel, 1865.
Auguste-Alexandre GUILLAUMOT, Promenades artistiques dans Paris et ses environs. Architecture, sculpture, décoration, Eugène Viollet-le-Duc (dir.), 1ère livraison, Paris, A. Morel, 1857.

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