Jean-François Gilles dit COLSON (Dijon, 1733 – Paris, 1803)

Deux études d’avant-bras et une étude de tête de jeune fille coiffée d’un fichu

Sanguine et rehauts de craie blanche sur papier chamois
27,2 x 43,2 cm
Au verso du cadre ancienne étiquette de vente de la collection Jacques Auguste Boussac

Provenance :
• Ancienne collection Jacques Auguste Boussac, marque de collection estampée à l’encre en bas à droite (L. 729b), vente du 10-11 mai 1926, Galerie George Petit, Paris, Maîtres Rémard et
Lair-Dubreil, n°188, reproduit p. 80 (comme « Lépicié (B) »)
• Ancienne collection Charles Férault, marque de collection estampée à l’encre en bas à droite
(L. 2793a), vente du 25 novembre au 15 décembre 1927, n°67 (comme « Lépicié »)
• France, collection particulière.

Bibliographie :
• Trois peintres bourguignons du XVIIIe siècle : Colson, Vestier, Trinquesse : [cat. exp.], Dijon, Musée des Beaux-Art, 1969
• Pierre Quarré, « Dessins d’architecture de Colson » in Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, 1970, pp. 115–23

Célèbre pour son œuvre intitulée Le Repos (ill. 1), pendant de L’Action, conservés au musée des beaux-arts de Dijon, la vie de Jean-François Colson demeure pourtant assez méconnue. L’acte de baptême mentionne que l’enfant né à Dijon se prénomme Jean-François Gilles, auquel on fait suivre le second nom de Colson. La consonnance britannique de ce dernier se rapporte aux origines de sa grand-mère d’origine irlandaise et il avait été fortement conseillé au père de l’artiste de faire oublier le nom de Gilles, synonyme de niais et de poltron. Le père, Jean-Baptiste était un pastelliste et portraitiste en miniature qui avait été introduit à Versailles par Charles Parrocel (1688-1752) et Jean-Baptiste van Loo (1684-1745) avant de rejoindre la province et de s’établir à Dijon en 1733. C’est auprès de ce dernier que Jean-François débute ainsi son apprentissage. En suivant ses parents, le jeune garçon poursuit sa formation entre Avignon où il suit les leçons d’un chartreux, puis Grenoble, Lyon lorsqu’il fréquente l’atelier de Donatien Nonnotte (1708-1785) et Toulouse auprès de Jean-Baptiste Despax (1710-1773).
En arrivant à Paris, l’ambition de devenir peintre d’histoire fut supplanté par un don inné dans la représentation de scènes de genre dont son œuvre Le Repos ou Une jeune fille surprise par le sommeil demeure la plus marquante. Elle fut gravée par la suite par l’oncle de l’artiste Nicolas Dupuis (1698-1771). Notre dessin est une des rares études connues de la main de l’artiste, préparatoire à l’œuvre peinte.

Sur une feuille de papier beige, Colson trace à la sanguine mains et visage, deux des éléments les plus complexes à rendre en peinture. L’œuvre illustre la volonté de l’artiste à trouver le bon équilibre dans le mouvement de la main droite de la jeune fille. Dans la version finale, la figure tient entre les doigts de sa main gauche un ruban, auquel est attaché un oiseau que guette un chat, et pose la main droite sur sa robe. Le mouvement n’est ici pas encore tout à fait abouti : l’artiste reprend deux fois sur la même feuille l’étude du positionnement des doigts qui devront servir le mouvement exact, ainsi que le traitement de l’extrémité de la manche à volant.
D’autre part, dans la partie haute à droite la feuille, l’artiste s’essaie à la représentation de la tête penchée assoupie de la fillette. Coiffée d’un fichu de dentelle ou de mousseline, sa tête est ici tournée vers la droite à l’inverse de la version peinte.
Pour mieux rendre les chairs et les effets d’ombres, Colson emploie la technique de hachures que l’on aperçoit dans l’avant-bras. L’utilisation de la craie blanche permet quant à elle de traduire les volumes et d’accentuer la mollesse de la chair et la douceur de la peau de l’enfant.
L’habileté et la rareté de notre esquisse séduisit naturellement d’érudits collectionneurs de dessins au cours du XXe siècle tels que Jacques Auguste Boussac (1885-1962), industriel parisien dont l’intérêt précoce pour les arts graphiques lui permit de se composer une exceptionnelle collection et Charles Férault (1877-19 ??), fameux antiquaire et marchands de dessins entre Paris et Biarritz, fervent admirateur des maîtres français du XVIIIe siècle.
Nous connaissons une seconde esquisse de la main de l’artiste, issue de la collection Boussac. Probable étude pour la même œuvre peinte, elle représente une Jeune fille endormie à mi-corps vue de trois-quarts (ill. 2), prise sur le vif. Cette même collection présentait, lors de sa vente de 1926, une œuvre à la pierre noire attribuée à Chardin et titrée La Brodeuse (ill. 3). Une fois encore, elle représente une jeune fille coiffée d’un fichu dont le traitement est en tout point comparable à notre œuvre. En effet, Colson s’émerveillait de l’œuvre de Chardin et son « faire magique, fin et de la plus grande hardiesse » dont il s’inspira largement, ce qui mena probablement à quelques erreurs d’attribution.

Colson fut avant tout portraitiste, n’exigeant que deux heures de pose pour produire un portrait. Nobles, ecclésiastiques, militaires, savants, comédiens , musiciens et enfants, ses sujets furent aussi divers que variés. C’est à l’âge de 19 ans qu’il dresse le portrait de son père, œuvre qui demeure l’un de ses meilleurs portraits qu’il expose par ailleurs au Salon en 1793 (Le Portrait du citoyen Colson, père, sous le numéro 226). Bien qu’il ne fût jamais membre de l’Académie, ce peintre très apprécié fit paraître de son vivant un Traité de perspective élémentaire à l’usage des peintres, sculpteurs et architectes et donna des cours de perspective très demandés entre 1765 et 1766 au Lycée des Arts de Paris.
M.O

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