Jean-Baptiste ISABEY (Nancy, 1767 – Paris, 1855)

Portrait du général Jean-Charles Pichegru (1761-1804)

D : 11 cm

Pierre noire et estompe en tondo

Bibliographie :
•Edmond Taigny, J.-B. Isabey : sa vie et ses œuvres, Paris : E. Panckoucke, 1859
•Cyril Lecosse, Jean-Baptiste Isabey : petits portraits et grands desseins, Paris, CTHS : Institut national d’histoire de l’art, 2018
•François Pupil, Jean-Baptiste Isabey portraitiste de l’Europe, catalogue d’exposition, RMN, 2005

« Isabey […] c’est pour la bonne bouche, de dessin et de couleur il en tient une touche. / Qui lui fera longtemps un nombre d’envieux. / Si tous lui ressemblaient ; que ferais-je en ces lieux ? / C’est parmi les défauts que se plaît le satyre. / Cherchons d’autres objets. J’ai besoin de médire.  »1

Jean-Baptiste Isabey fut célébré de son vivant pour la vivacité avec laquelle il sut rendre vivants ses « petits portraits ». Formé dans l’atelier de Jacques-Louis David (Paris, 1748 – Bruxelles, 1825), Isabey, excellent dessinateur, reçoit les meilleurs éloges aux Salons et devient le maître incontesté de la miniature française de la fin du XVIIIe siècle. Traditionnellement réservés aux grands hommes, le portrait connaît, à cette époque, une expansion sans précédent. Dans un paysage culturel, social et politique en constante évolution entre sa naissance et sa mort, Isabey choisit de ne pas se limiter quant au choix de ses modèles. Ainsi, parmi les nombreuses figures publiques sur lesquels il fonde sa réputation, se présentent également de personnages anonymes qui ne manquent pas d’étonner et de déranger la critique.

Parmi ces portraits publiques apparaît le profil du général Jean-Charles Pichegru (1761-1804), soldat devenu lieutenant-colonel, promu général en chef de l’armée du Rhin jusqu’à devenir l’un des chefs les plus reconnus des armées de la République. On le connaît surtout pour la trahison dont il fut accusé : sa participation au renversement du Directoire. À la mort de Louis XVII, fils du roi tout juste guillotiné, le comte de Provence, Louis XVIII, prévoit de prendre le pouvoir. Pichegru se fait élire au Conseil des Cinq-Cents et prend la tête de l’opposition royaliste. Découvert, il est arrêté, déporté, s’évade et revient en France en 1798. Il tente alors un dernier coup d’éclat lorsque Napoléon Bonaparte se proclame Premier Consul, afin de restaurer les Bourbons. Cette fois il sera emprisonné à la prison du Temple pour y mourir mystérieusement dans sa cellule quelques jours plus tard.

D’une production beaucoup plus rapide et moins couteuse, les miniatures sont très appréciées des artistes et des acheteurs et constituent ainsi une très forte production entre 1780 et 1800. Largement représentées au Salon, leur prix varie selon la qualité de l’exécution, la technique et le support. Vélin, ivoire, carton, Isabey s’essaie à différents matériaux mais c’est avec le portrait sur papier qu’il trouve véritablement sa reconnaissance.

Parmi ses œuvres sur papier, dont notre portrait est un formidable exemple, la critique parle d’une grande maîtrise de « l’effet des lumières » et de têtes dessinées qui ont « la vie et beaucoup d’expression » .2 À partir des années 1790, il privilégie les formats médaillon très en vogue ainsi que les fonds monochromes qui permettent de guider le regard vers l’essentiel. Grâce à une technique très rigoureuse de dessin en pointillé, notre portrait rend avec minutie les volumes et détails des cheveux et de la veste, tout en conservant un aspect lisse qui flatte l’ensemble et laisse à peine percevoir les multiples coups de crayon.

Considéré comme le plus habile de ses contemporains dans le domaine de la miniature, Isabey avouera lui-même avoir cherché à « passer pour le fondateur d’une école nouvelle »3 , un genre « à part au moyen duquel il éloignerait toute comparaison dangereuse, et pourrait fixer l’attention sur ses [dessins]. » 4

M.O.

1Critique sur les Tableaux exposés au Salon en l’an IV, Paris, Impr. de Madame Hérissant Le Doux, coll. Deloynes, t. XVIII, n°476, 1795, p. 6-7.

2 Exposition au Salon du Palais national des ouvrages de peinture, sculpture et gravure », Petites affiches de Paris, coll. Deloynes, t. XVII, n°449, 1791, p.550.

3Abrégé de ma biographie par Jean-Baptiste Isabey, Paris, BNF, 1843.

4Etienne-Jean Delécluze, Souvenirs de soixante années, Paris, Michel Lévy Frères, Libraires-Editeurs, 1862, p. 113.

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