École lorraine vers 1600

Saint Jacques le Majeur

28,4 x 16,7 cm

Plume et encre brune, pierre noire, lavis gris et brun. Annoté en bas : DEL SANSOVINI.

Provenance
• France, collection particulière

Alors que Michel-Ange terminait son David, les consuls de l’Arte della Lana et la fabrique de la cathédrale de Florence songeaient déjà à lui pour réaliser une série de douze statues d’apôtres, plus grandes que nature, qui devaient orner les quatre piliers supportant le dôme de Brunelleschi. Le contrat conclu en 1503 anticipait les changements d’humeur déjà célèbres du sculpteur qui venait d’abandonner une grande commande du cardinal Piccolomini. Michel-Ange s’engageait à livrer une sculpture par an et devait recevoir, à la fin, une maison bâtie pour lui. Pourtant, la figure de Saint Mathieu (Florence, Académie) était encore à moitié prise dans le marbre, que l’enthousiasme de l’artiste emportait son génie vers d’autres projets pour ne plus jamais revenir aux Apôtres du Dôme.

En 1511, profitant du retour de Rome de Jacopo Sansovino (Florence, 1486-Venise, 1570), la fabrique ranima le projet. Né Jacopo Tatti, le sculpteur fut l’élève d’Andrea Contucci dit Sansovino dont il reprit le surnom. Il avait suivi son maître à Rome, mais n’y fit que forger son talent en travaillant notamment sous la direction de Donato Bramante. La commande florentine, d’une seule statue sur douze, est donc sa première œuvre documentée. Choisissant de sculpter son saint patron, Jacques le Majeur, Sansovino y vaqua jusqu’en 1518, désireux de donner le meilleur de son art. Ce retard poussa la fabrique à s’adresser à d’autres aristes : Andrea Ferrucci réalisa la statue de Saint André (1512-1514), Benedetto da Rovezzano celle de Saint Jean (1513-1514) et Baccio Bandinelli celle de Saint Pierre (1515-1517). L’entreprise clôt dans les années 1570 avec quatre autres figures par Giovanni Bandini et Vicenzo de’ Rossi, ainsi que l’installation des statues dans des niches en tabernacle créées par Bartolomeo Ammannati.

L’œuvre de Jacopo Sansovino fut placée contre le pilier nord du côté de la nef de la cathédrale. Avec le Saint Pierre de Bandinelli qui occupe le pilier sud, Saint Jacques le Majeur est ainsi le premier des apôtres à apparaître aux croyants qu’il semble accueillir, puisque sa tête est tournée vers l’entrée et non vers l’autel. Loin du tourment de Saint Mathieu de Michel-Ange et de la gravité du quattrocento florentin, la figure élancée de l’apôtre, enveloppée de drapés fluides et au contrapposto souple, est sereine et solennelle. Le visage du saint, résolument christique, porte l’influence de l’art de Raphaël que le sculpteur avait découvert à Rome. Il tient un grand livre fermé et un bâton de pèlerin, seule indication de son identité, et dont les extrémités en bronze avaient disparu semble-t-il dès avant la fin du XVIe siècle.

Proclamée meilleure sculpture de tout le cycle par les membres de l’Accademia del Disegno, le Saint Jacques le Majeur de Sansovino devint un modèle à reproduire et un point incontournable de toute visite artistique de la ville.

Ainsi fit l’auteur de notre dessin qui voulut garder en mémoire la figure de l’apôtre en omettant son environnement d’architecture. Peintre plutôt que sculpteur, l’artiste vraisemblablement lorrain se passionna pour la posture plastique du saint, la ciselure des drapés, le fort éclairage droit – venant du dôme – soulignant les volumes. Pour notre artiste, cependant, le Saint Jacques est moins une statue qu’une figure humaine. Il n’hésite pas à parfaire sa première ébauche faite in situ à la pierre noire en repassant les parties dans l’ombre au lavis brun qui devient, comme souvent chez les maîtres du nord de l’Europe, couleur et suggère le maroquin du livre, le châtain des cheveux ou la terre battue du sol.

Bibliographie
- Carlo CINELLI, Johannes MYSSOK, Francesco VOSSILLA, Il Ciclo degli Apostoli nel duomo di Firenze, Florence, 2002.
- Bruce BOUCHER, The Sculpture of Jacopo Sansovino, New Haven, Londres, 1991, vol. I, p. 14 sq., vol. II, p. 318 sq.

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