Kornél Maria SPÁNYIK (Bratislava, 1858 – Budapest, 1943)

Après l’orage : nu couché (Fekvő akt)

74,5 x 154 cm

Huile sur toile d’origine. Signé et daté en bas à droite : Spányik Kornél 1889.

Provenance
États-Unis, collection particulière.

Fils d’avocat, Kornel Spányik étudia la peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne dans la classe de Christian Griepenkerl, peintre d’histoire et de portraits. En 1883, il rejoignit l’atelier de Gyula Benczúr, ancien professeur de l’Académie de Munich qui venait d’être nommé directeur de l’école nationale de peinture de Budapest. L’influence de ce grand peintre hongrois et l’un des plus illustres représentants de l’académisme munichois est prédominante dans les premières œuvres de Spányik qui fut surtout sensible aux coloris sobres de Benczúr, dans un camaïeu de bruns chauds rehaussé de détails jaune d’or, rouge, rose passé et vert émeraude. C’est donc très logiquement que Spányik acheva sa formation à Munich, chez Sándor Liezen-Mayer, portraitiste de la famille impériale.

Dès son retour en Hongrie en 1886, Spányik fut associé à la décoration du Théâtre national Slovaque et de l’Hôtel de Ville de Pressburg (actuelle Bratislava), ville cosmopolite en plein renouveau et forte de son Union artistique créée l’année précédente sur l’idée du prince Nicolas Esterhazy et placée sous le haut patronage de l’archiduc Frédéric d’Autriche. Comptant une dizaine de membres à peine, l’Union parvint à monter, en janvier 1886, une première exposition au Palais Primatial de Pressburg réunissant cent vingt-trois œuvres d’artistes de Pressburg, de Vienne et de Budapest qui eut un succès considérable : plus de 3500 visiteurs. L’exposition suivante, en décembre de la même année, accueillit en plus quelques peintures italiennes, françaises et allemandes, mais n’eut pas la même réussite. Ce qui n’empêcha pas le prince Esterhazy d’organiser trois autres expositions, en 1887, 1888 et 1889, où Spányik présenta plusieurs toiles. Partageant sa vie entre Pressburg et Budapest, il était en effet devenu l’un des membres les plus influents de l’Union jusqu’à en être élu vice-président au début du XXe siècle. Aléatoires depuis la mort d’Esterhazy, les expositions reprirent sous la direction de Spányik qui établit une règle selon laquelle deux tiers des œuvres présentées viendraient dorénavant des expositions de Pest et un tiers serait produit par les membres de l’Union artistique de Pressburg. Lui-même exposait régulièrement à Pest depuis 1888, mais aussi à Vienne, à Munich (il reçut la médaille d’or pour sa Lune de miel) et à Paris et reçut la médaille de bronze à l’exposition universelle de 1900.

Après la Première guerre mondiale et la création de la Tchécoslovaquie, Spányik s’installa à Budapest. Sa première exposition personnelle fut organisée en 1929 à la galerie Mucsarnok de Budapest.
Les fresques monumentales de Spányik au Théâtre Slovaque attirèrent l’attention de l’empereur François-Joseph qui lui commanda son portrait, suivi par Dezso Szilágyi, ministre de la Justice, et le député István Bittó, ancien premier ministre de Hongrie et alors chef de l’opposition. Outre les portraits, il peignait des tableaux historiques et religieux, mais surtout des œuvres « d’exposition » de dimensions importantes et « de collection ». Leurs sujets sans prétention – scènes d’intérieur, compositions allégoriques d’inspiration symboliste ou figures féminines (ill. 1) – et titres volontiers poétiques – Vive Annuska !, Crépuscule, Coin d’atelier, Primadonna, Lettre d’amour – étaient très appréciés des amateurs dont l’empereur lui-même qui acheta pour sa collection personnelle Le Repos (Pihenő). Plusieurs toiles furent acquises lors des expositions par les musées de Budapest et de Bratislava.

Notre tableau appartient à la période la plus prolifique dans la carrière de l’artiste déjà au faîte de son art et universellement applaudi. Il n’en demeure pas moins plutôt inhabituel pour Spányik et assez audacieux, plus proche de Courbet et des réalistes que de ses maîtres académiques. La femme aux formes généreuses et taille fortement marquée par le port du corset est couchée sur un tissus clair qui ne ressemble guère à une robe, mais plutôt à une tunique antique ou un drap. Ses cheveux bruns se confondent avec la terre sombre, humide. Ses muscles sont relâchés, mais son visage est détourné du spectateur qui ne peut savoir si la belle s’abandonne ou dort profitant enfin du calme après l’orage dont on aperçoit, au loin, les nuages gris déchirés par le bleu éclatant du ciel d’été. La lumière qui épouse amoureusement les courbes de la femme est pourtant artificielle, oblique, comme si le paysage n’était qu’un décor de théâtre ou d’atelier. Impression renforcée par la touche qui est suave et fondante dans les carnations rosées, mais anguleuse et apparente dans la draperie et estompée et empressée dans le sol et la masse dense du buisson. C’est là une déesse antique ou une nymphe des bois qui s’offre sans crainte aux regards des hommes, c’est aussi le modèle d’un peintre prenant une pose à sa demande, c’est, enfin, un idéal féminin, impersonnel et énigmatique, une fascination, une apparition, une provocation.

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