Luigi LOIR (Gorice 1845 - Paris 1916)

Paris, le Dôme de l’église du Val de Grace

43,2 x 22,9 cm

Huile sur toile. Signé et daté "Loir Luigi" en bas à droite.

Provenance :
Acquis anciennement par la galerie Richard Green à Londres

Originaire de ce qu’était jusqu’en 1867 l’Empire d’Autriche, Luigi Loir naît d’une famille au service des belles-filles de Charles X (Marie Caroline de Bourbon et la duchesse d’Angoulême), exilées dans la ville de Gorritz, surnommée appelée la « Nice autrichienne », connue comme refuge des royalistes. Les parents du jeune Luigi, qui avaient suivi les Bourbons dans le Duché de Parme, gagnent la France en 1860. Luigi n’a que 15 ans lorsqu’il décide de rester à Parme, étudier à l’Académie des Beaux-Arts où ses professeurs ne tardent pas à déceler ses dons de dessinateur qui le classent naturellement parmi les meilleurs élèves de sa promotion. Trois années plus tard, il rejoint son père à Paris et se fait connaître par la réalisation de plafonds peints aux côtés de l’illustrateur Jean Pastelot (1820-1870) puis se taille une place de choix dans la société parisienne en travaillant comme illustrateur pour les plus grands auteurs de son temps dont Jules Verne dans son œuvre Voyages Extraordinaires, parue en 1882.
Lorsque Loir expose au Salon de Paris dès 1865, il n’a que 20 ans. Mais 5 ans plus tard, durant la Campagne de 1870, il s’engage dans le 18e bataillon mobile de la Seine, une expérience qui le marque profondément. En regagnant la vie civile, Loir tente d’oublier cette douloureuse période et aspire au bonheur simple des rues animées de Paris. Outre les nombreuses commandes officielles qu’il honore, Loir aime aussi peindre des sujets de la vie quotidienne, les boulevards et ruelles animés, les terrasses de cafés en pleine effervescence le captivent. Les rues de Paris forment de merveilleux exemples de la part la plus importante de sa production, qui lui permettent de mêler les plus beaux témoignages architecturaux historiques parisiens à la tranquillité de la vie passante.


« Si Jean Béraud peint les Parisiens de Paris, Luigi Loir, lui, peint le Paris des Parisiens. »

Théodore de Banville

Notre œuvre est un exemple de ses années les plus productives. Luigi Loir met en scène la vie dans les quartiers des grands monuments de l’histoire de Paris. Au fond de notre composition apparaît le Val de Grâce, sujet populaire chéri des peintres, une église du XVIIe siècle située dans le 5ᵉ arrondissement de Paris, connue avant la Révolution comme l’église de l’abbaye royale du Val-de-Grâce et devenue depuis hôpital militaire.
Nous connaissons plusieurs versions de notre œuvre, traitée sur différents supports, illustrant l’importance du sujet pour l’artiste. Une version peinte de dimensions similaires est conservée au musée de l’université La Salle à Philadelphie. Les légères différences résident dans le maniement du pinceau, plus précis par rapport à une touche plus enlevée dans la version américaine. D’autres détails nous arrivent ensuite dont la touche de couleur donnée pour le chapeau de la fillette au premier plan et les quelques éclaircies bleues apparaissant dans le ciel de notre version.
Le peintre semble avoir posé son chevalet au même endroit, à deux moments distincts de la journée : notre toile pourrait être la version d’une après-midi en opposition à un début de journée pour la version de Philadelphie. Une version aujourd’hui détenue en collection privée présente cette même rue, enneigée. Nous connaissons par ailleurs un dessin de l’artiste, probablement préparatoire à notre tableau, conservé en collection particulière dont subsistent quelques différences de composition notamment dans l’organisation des personnages qu’il a peut-être vu au moment du dessin, dont l’emplacement change dans notre version peinte. Loué par les critiques, Luigi Loir vit très confortablement de son art. Cette vue de la rue de la Santé fut si appréciée qu’elle fut également transposée en gravure.

En quelques touches, Loir esquisse les silhouettes de passants de la rue. Notre tableau est une version prise sur le vif, en plusieurs étapes distinctes : les contours ont été soigneusement tracés puis l’artiste y a ajouté la couleur selon les changements climatiques, permettant ainsi de rendre vie à cette rue d’où émane l’atmosphère tranquille et lumineuse d’après-guerre. Notre œuvre reflète le véritable intérêt, hérité des techniques impressionnistes, de capturer l’instant pour le fixer sur la toile.

Témoin des bouleversements économiques et sociaux de la Belle Époque à l’ère de l’industrialisation, le nouveau visage de Paris d’après-guerre engage un renouveau d’inspiration pour les artistes dont Luigi Loir, aux côtés de Toulouse Lautrec, Valadon, ou encore Maurice Denis. Nommé chevalier de la légion d’honneur en 1898, Luigi Loir sera représenté par quelques grands marchands dont la famille Bernheim-Jeune qui suivra assidument son travail jusqu’à sa mort en 1916.
M.O.

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