Albert Ernest CARRIER-BELLEUSE (Anizy-le-Château 1824 - Sèvres 1887)

« PORTRAIT EN BUSTE DE MARGUERITE BELLANGER AU FICHU DE DENTELLE ORNÉ DE ROSES »

Terre cuite signée au dos

Notre œuvre s’insère dans l’abondante et gracieuse production du sculpteur Albert Ernest Carrier-Belleuse. Sensible, adaptant habilement son goût à ses différentes commandes, il produisit objets décoratifs, statuettes, bustes et monuments. Doté d’un crayon généreux et d’un sens du commerce aiguisé, il sut saisir et mettre à profit l’intérêt de la production industrielle dans le domaine des arts
décoratifs.
Après une formation en orfèvrerie, Carrier-Belleuse passa par la Petite Ecole – aujourd’hui Ecole des Arts Décoratifs. A partir de 1850, il travailla en Angleterre pour Minton. Il rentra en France cinq ans plus tard, mais continua sa vie durant à produire des dessins et modèles pour plusieurs firmes anglaises.
Exposant au Salon, recevant de nombreuses commandes, le sculpteur travailla pour le Louvre, le Palais Garnier (torchères de l’escalier) ; sa Bacchante (Jardin des Tuileries), achetée par l’Empereur en 1863, fut son premier succès notoire. Il étudiait la figure humaine, et chercha à l’adapter dans le domaine des arts appliqués à toutes sortes d’objets. Carrier-Belleuse dirigea également un vaste atelier ; il eut plusieurs années pour assistant Auguste Rodin. Il fut nommé en 1875 directeur des travaux d’art de la Manufacture de Sèvres, où s’acheva sa carrière.
Le style de Carrier-Belleuse s’imprègne des recherches techniques et esthétiques de ses prédécesseurs du XVIIIe siècle, comme Houdon. Ses portraits sont empreints d’un souci de réalisme vivant, voire opulent, qui se place en réaction à la ligne d’idéalisation néo-classique, et aux poses statiques. CarrierBelleuse utilisa toutes sortes de matériaux, donnant à des productions en série une qualité de pièces uniques. Il n’hésita pas à retravailler et personnaliser ses plâtres à la sortie du four. Sa prédilection demeura toutefois la terre cuite. Il façonnait avec souplesse et vitalité les traits de ses modèles, issus le plus souvent du monde des artistes, des écrivains ou des politiciens.

Notre buste représente une jeune femme, le visage légèrement tourné vers la droite. Sa tête est drapée d’un fichu noué sur la poitrine. Le précieux travail au poinçon des dentelles nous rappelle la formation initiale d’orfèvre du sculpteur. Comme dans nombre de ses travaux, des fleurs – ici des roses – couronnent la tête et sont piquées dans le corsage. Les ornements du costume, les lourdes boucles de cheveux, encadrent un visage très sobre. Le modelé des chairs est doux, la ligne équilibrée ; les traits sont empreints d’un charme pensif.

La signature « A. Carrier » situe notre œuvre avant 1868, date à partir de laquelle le sculpteur signa « CarrierBelleuse ». Ce travail s’inscrit dans la production de bustes de fantaisie aux touches allégoriques de l’artiste, qui modelait les saisons ou des figures antiques. On peut par exemple la rapprocher du Buste de femme portant un diadème, entré en 2010 dans les collections du musée d’Orsay. En outre, l’observation des traits du visage permet de confronter notre œuvre à plusieurs bustes féminins (Washington, National Gallery of Art ; Cleveland Museum of Art ; vente Sotheby’s, 29 octobre 2002), dans lesquels la critique s’accorde à reconnaître Marguerite Bellanger. Cette comédienne, figure du monde artistique et littéraire du Second Empire, citée par Zola dans Nana, fut – tardivementet brièvement – une favorite de Napoléon III. Elle était l’une des muses de Carrier-Belleuse, et lui inspira, à l’instar de notre œuvre, un bel ensemble de bustes.

Bibliographie
• « Te life and work of Albert Carrier-Belleuse », Hargrove, New-York : Garland pub., 1977
• « Cast of distinction : a private collection of terracottas by albert-Ernest Carrier-Belleuse », cat. de vente, Londres : Sotheby’s, Londres
• J. TULARD (dir.), « Dictionnaire du Second Empire », Paris : Fayard, 1995
• J. TURNER, « Te dictionary of art », New-York : Grove, 1996

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